Symptômes de l’autisme : entre stéréotypes et réalité vécue

Si vous avez atterri ici (bienvenue !), il y a fort à parier que c’est après avoir tapé « symptômes de l’autisme » sur Google.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous propose de faire un pas de côté.
Car ce mot — « symptômes » — aussi répandu soit-il, n’est pas un terme que j’utilise, et ce n’est pas anodin.

La manière dont on parle de l’autisme n’est jamais neutre.
Elle influence :

  • la perception collective que l’on en a,

  • les axes de recherche scientifique,

  • les politiques publiques,

  • et bien sûr, la pratique clinique.

Utiliser des termes comme “symptômes”, “trouble”, “atteint”, “souffre”, ou encore “traitement” revient à considérer l’autisme comme une maladie, un problème à corriger, une anomalie à réparer.

C’est non seulement inexact, mais surtout profondément nocif pour les personnes concernées.

C’est un discours auquel je ne souhaite pas participer.

Je préfère parler de traits, de caractéristiques, de particularités.
Et si vous aussi, cette vision purement médicale de l’autisme vous dérange, je vous invite à faire ce choix de vocabulaire conscient. Il ne s’agit pas d’un détail sémantique, mais bien d’un positionnement politique et éthique.

Ce que vous allez trouver dans cet article

Dans cet article, on explore :

  • Ce que recouvre vraiment le mot “symptôme” dans le cadre de l’autisme

  • Pourquoi ces descriptions médicales peuvent être trompeuses ou violentes

  • Les caractéristiques les plus fréquentes de l’autisme, à différents âges

  • En particulier, ce que l’on appelle parfois les “symptômes de l’autisme adulte”, et pourquoi ils sont souvent invisibles

  • Une lecture critique du modèle médical, au profit d’une approche fondée sur l’écoute, l’adaptation, et le respect

Le but n’est pas de dresser une liste exhaustive, ni de remplacer un diagnostic.
Mais d’offrir des repères, de déconstruire les idées reçues, et d’ouvrir un espace de réflexion sur ce que signifie être autiste aujourd’hui.

Qui suis-je pour en parler ?

Je suis Julie Dachez, docteure en psychologie sociale, autrice et personne concernée.
Depuis plus de dix ans, j’explore l’autisme à l’âge adulte en croisant recherche académique, expérience vécue et engagement militant.

J’interviens aussi en tant que conférencière spécialiste de l’autisme, pour sensibiliser autrement aux réalités du spectre, loin des clichés médicaux et des idées reçues.

Ce que dit le DSM-5 : de la triade à la dyade autistique

Dans la dernière version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5),
il n’est plus question de triade autistique, mais de dyade autistique.

Autrement dit, les critères diagnostiques de l’autisme ont été réduits à deux grandes dimensions :

  1. Déficits de la communication et des interactions sociales

  2. Caractère restreint et répétitif des comportements, intérêts et activités

Ces deux aspects peuvent se manifester très différemment d’une personne à l’autre :
✔︎ avec des intensités variables,
✔︎ dans des contextes spécifiques,
✔︎ et parfois de manière très discrète.

Reprenons maintenant chacun de ces deux pôles pour les expliciter concrètement.

1. Difficultés dans la communication et les interactions sociales

Les personnes autistes peuvent rencontrer des difficultés à se faire des ami·e·s,
ne pas bien maîtriser les codes sociaux, le langage imagé, l’ironie ou encore l’implicite.

Ce n’est pas un manque de volonté ou d’intérêt pour l’autre, mais plutôt une différence dans le traitement de l’information sociale.

Voici quelques exemples concrets pour illustrer cela :

Langage imagé

En classe, si l’enseignant·e pose une question à laquelle l’enfant ne sait pas répondre, et lui dit :
« Tu donnes ta langue au chat, alors ? »,
l’enfant peut prendre l’expression au pied de la lettre,
et imaginer littéralement devoir donner sa langue à un chat.

Ironie

Un copain s’exclame en plein orage :
« Dis donc, quel temps merveilleux dehors ! »

La blague risque de tomber à plat :
l’enfant autiste pourrait ne pas percevoir le second degré et prendre la phrase… au sérieux.

Implicite

Un parent demande à son enfant :
« Peux-tu fermer la fenêtre ? »
L’enfant répond « Oui », mais ne bouge pas.

Pourquoi ? Parce que la demande n’était pas assez explicite.
Il aurait fallu dire :
« Ferme la fenêtre, s’il te plaît. »

👉 Ces exemples ne sont pas anecdotiques : ils témoignent d’un décalage entre les attentes sociales implicites et la manière dont la personne autiste les interprète.
Un décalage qui peut engendrer des malentendus, de la frustration… et parfois de la mise à l’écart.

D’autres personnes autistes ne sont pas ou peu verbales et nécessitent des outils de Communication Alternative et Augmentée pour communiquer, comme les pictogrammes, par exemple. Il arrive également que certaines personnes autistes soient habituellement verbales, mais deviennent mutiques dans des situations stressantes.  

2. Caractère restreint et répétitif des comportements, intérêts et activités

Le changement peut placer les personnes autistes en grande difficulté.

👉 Par exemple :
Si un jeune a l’habitude de prendre le bus C1 pour aller au lycée et que, du jour au lendemain, l’itinéraire change à cause de travaux, il risque de ne pas pouvoir s’adapter à cette nouvelle situation… et de faire demi-tour pour rentrer chez lui.

D’où l’importance d’anticiper autant que possible les changements – ce qu’on appelle les “imprévus prévus” – afin de sécuriser la personne et d’encourager son autonomie.

Le stimming : un besoin, pas un symptôme à supprimer

Le stimming (ou “comportements répétitifs”) désigne des gestes comme :

  • battre des mains,

  • se balancer,

  • tournoyer sur soi-même,

  • vocaliser...

Ces comportements sont souvent perçus d’un mauvais œil.
Certain·e·s psychologues ou ergothérapeutes, mal informé·e·s, cherchent à les empêcher. C’est une grave erreur.

🧠 Le stimming est une stratégie d’autorégulation :
Il permet à la personne autiste de se stimuler, de se calmer, de gérer son stress.

✋ Il ne faut surtout pas chercher à le supprimer.

Si ce sujet vous intéresse, je vous recommande vivement la lecture de l’article de Mélanie Ouimet :
“Pourquoi les mouvements stéréotypés et répétitifs des autistes sont de petits gestes qu’il faut respecter”
(le lien est disponible en bas de page).

Les intérêts spécifiques : des passions intenses et riches de sens

Les personnes autistes ont, elles aussi, des passions.
Ce qu’on appelle souvent des “intérêts spécifiques”.

Ce sont des sujets auxquels elles consacrent beaucoup de temps, d’énergie, et dans lesquels elles développent souvent une véritable expertise.

🌀 Ces intérêts peuvent paraître atypiques, originaux, voire déroutants aux yeux des personnes non concernées.
Mais ils ont une fonction précieuse : ils apportent du plaisir, du réconfort, du sens.

Quelques exemples courants (et réels) :

  • les lignes de chemin de fer,

  • les cactus,

  • les robots,

  • les fourmis d’Argentine

Il n’y a pas de règle :
Certaines personnes autistes gardent le même intérêt spécifique toute leur vie, d’autres changent régulièrement.

Enfin, les personnes autistes présentent des particularités dans le traitement de l’information sensorielle. Dit plus simplement, elles présentent une hypo- ou hyperréactivité au niveau de leurs sens.

Cela concerne les cinq sens classiques, mais aussi d’autres, souvent moins connus, comme :

  • la proprioception (perception de son corps dans l’espace),

  • la nociception (perception de la douleur),

  • la thermoception (perception de la température),

  • le système vestibulaire (mouvement et sens de l’équilibre).

Les sensibilités varient fortement d’une personne à l’autre.
Par exemple :

  • Une personne autiste peut être très sensible au bruit tout en ayant une hyposensibilité thermoceptive (et ne pas sentir qu’elle est en train de se brûler, par exemple).

  • Un autre enfant aimera les odeurs très fortes et cherchera à se stimuler en sentant des objets, des personnes, des épices, etc. Cela peut être le signe d’une hyposensibilité olfactive.

👉 Retenez que toutes les caractéristiques décrites ci-dessus ne sont pas présentes de la même manière, ni avec la même intensité, chez toutes les personnes autistes.
Il existe une très forte hétérogénéité interindividuelle.

napEnfin, l’autisme se présente rarement seul, et peut être accompagné de :

  • épilepsie,

  • troubles gastro-intestinaux,

  • déficience intellectuelle,

  • problèmes de sommeil, etc.

Symptômes de l'autisme chez l'adulte : des signes plus discrets, souvent camouflés

Chez les adultes, l’autisme passe souvent inaperçu. Pourquoi ? Parce que beaucoup ont appris à camoufler leurs traits autistiques. On parle de masking : une stratégie (souvent inconsciente) pour se fondre dans la masse, éviter les moqueries, être “comme tout le monde”.

Mais ce camouflage a un coût. Il épuise. Il isole. Et il retarde souvent le diagnostic, notamment chez les femmes ou les personnes minorisées.
D’où l’importance de visibiliser les signes plus subtils de l’autisme chez l’adulte :

  • une fatigue sociale intense,

  • un besoin de solitude pour se réguler,

  • des difficultés dans la gestion des émotions,

  • une hypersensibilité sensorielle,

  • une pensée en arborescence,

  • une sensation de ne jamais vraiment “appartenir”.

Pour aller plus loin sur ces sujets, je propose la formation Autisme à l'âge adulte et une autre spécifiquement dédiée aux femmes autistes.

Remise en question de la vision déficitaire de l'autisme

L’autisme n’est pas une maladie

Quand je présente la définition clinique de l’autisme, c’est toujours pour mieux la déconstruire ensuite.

Parce que parler de symptômes, c’est déjà adopter un certain regard :
celui d’une médecine qui cherche à diagnostiquer, à classer, à corriger.
Or, l’autisme n’est pas une maladie. C’est une manière différente de fonctionner, un autre câblage neurologique. Ni meilleur, ni moins bon. Juste… différent.

Si vous regardez de près cette définition, vous verrez qu’elle propose une vision négative et réductrice :
on y parle de « déficits » (de la communication, des interactions sociales),
et du caractère « restreint » des comportements et des intérêts.
Autrement dit : ce qui est hors norme est perçu comme un manque, un problème à résoudre.

Mais les personnes autistes ne sont pas une somme de déficits.
Elles ont aussi des forces, des qualités, des singularités précieuses (ça paraît évident, mais visiblement ça ne l’est pas pour tout le monde).
Certaines font preuve d’une attention exceptionnelle aux détails, d’autres peuvent se plonger des heures dans un sujet qui les passionne — avec une intensité, une rigueur, une créativité qui forcent le respect.

Cela ne veut pas dire que les difficultés n’existent pas. Bien sûr qu’elles existent.
Mais elles ne viennent pas uniquement de l’autisme.
Elles sont amplifiées — voire produites — par l’environnement, les normes sociales, et toutes ces représentations erronées qui isolent et stigmatisent.

Dans mon livre L’autisme, autrement, j’explique pourquoi il est essentiel de sortir du regard pathologisant pour adopter une lecture sociale et inclusive de l’autisme.

Ce que la psychiatrie considère comme un « déficit » est de plus en plus remis en question, à la fois par les personnes autistes elles-mêmes et par certaines recherches scientifiques.

Prenons l’exemple de la communication.
Il a été démontré que les personnes non autistes sont souvent réticentes à interagir avec des personnes autistes, et qu’elles ont du mal à interpréter leurs expressions faciales ou leurs états mentaux.

➡️ Les difficultés de communication ne seraient donc pas uniquement le fait de la personne autiste, mais le fruit d’une interaction mal ajustée entre deux styles cognitifs différents : celui des autistes et celui des non-autistes.

À ce stade, vous pourriez être tenté·e de réagir :
« Oui mais Julie, une personne autiste qui ne parle pas… on ne peut pas nier qu’il y a un déficit ! »

Et je comprends cette pensée réflexe.
Nous avons tous et toutes été exposé·e·s à des décennies de discours médicaux qui pathologisent tout ce qui s’écarte de la norme.
On a appris à voir la différence comme un problème, au lieu de la considérer comme une autre manière d’être au monde.

Je ne pourrai jamais expliquer cela aussi bien que Mel Baggs dans sa vidéo In My Language,
que je vous invite chaleureusement à regarder (cf. bibliographie).

Enfin, des comportements qui sont considérés comme des symptômes et sont jugés envahissants dans la vie de la personne, comme le stimming ou les intérêts spécifiques, sont en réalité un refuge ! Je vous l’ai expliqué pour le stimming et c’est également le cas pour les intérêts spécifiques. D’une part, ceux-ci ne sont pas plus envahissants que ne peuvent l’être les relations sociales dans la vie des non autistes

Je suis toujours fascinée par les non autistes qui, dès que les beaux jours arrivent, passent des heures à boire des verres en terrasse. De mon point de vue c’est un hobby très envahissant.

D’autre part, les intérêts spécifiques ont de nombreux effets positifs dans la vie de la personne puisqu’ils lui permettent de ressentir des émotions positives comme la joie, la fierté, d’autoréguler son stress, de construire une meilleure estime d’elle-même et d’acquérir des connaissances et compétences (cf. les témoignages des personnes autistes elles-mêmes ainsi que des recherches récentes sur le sujet).

Comme vous pouvez le voir, la définition clinique de l’autisme peut et doit être remise en question. Si le sujet vous intéresse et que vous avez envie de creuser, sachez que c’est l’objet de la formation « L'autisme, autrement ». Et pour plus d’infos en accès libre, vous trouverez d’autres articles sur ce blog pour remettre en question la vision dominante. Bonne découverte !

Formation autisme en ligne

Pour entendre parler d'autisme différemment !

Julie Dachez

Qui suis-je pour parler de ce sujet ?

Conférencière, autrice et formatrice

Je suis l’autrice de La Différence invisible, une bande dessinée traduite en sept langues, Dans ta bulle !, un livre qui donne la parole aux premières personnes concernées et de L'autisme autrement, mon dernier ouvrage.

Depuis 2014, je propose des conférences sur l'autisme auprès de publics très variés : entreprises, établissements médicaux, écoles, universités…
Et en 2022, j’ai fondé Julie Academy, une plateforme de formation en ligne dédiée à l’autisme.

Mes livres sur l'autisme

En cliquant, vous accédez à la fiche du livre sur la plateforme de vente.

La Différence invisible

avec Mademoiselle Caroline

Une BD qui retrace le quotidien de Marguerite, une jeune femme autiste qui s’ignore. Cette bande dessinée suit son cheminement : de l’épuisement quotidien à la découverte de soi, en passant par le diagnostic et l’émancipation.

Dans ta bulle

Un livre qui donne la parole aux personnes autistes elles-mêmes. Témoignages, vécus et réflexions pour déconstruire les idées reçues et inviter à écouter autrement ce que l’autisme a à dire sur la société.

livre_autisme_autrement

L'autisme, autrement

- Mon dernier livre, en auto-edition -

Un ouvrage de vulgarisation rigoureux, incarné et politique, pour comprendre l’autisme à l’âge adulte sans filtre médicalisant. Entre recherche et vécu, il explore des thématiques comme le genre, l’emploi ou la santé mentale, et invite à repenser nos cadres de pensée.

*Eh oui bien vu ! Il s’agit là de langage imagé, à éviter donc. C’était juste pour voir si vous suiviez ;)

Bibliographie

Edey, R., Cook, J., Brewer, R., Johnson, M., Bird, G., & Press, C. (2016). Interaction takes two : Typical adults exhibit mind-blindness towards those with autism spectrum disorder. Journal of abnormal psychology. https://doi.org/10.1037/ABN0000199

Koenig, K. P., & Williams, L. H. (2017). Characterization and Utilization of Preferred Interests : A Survey of Adults on the Autism Spectrum. Occupational Therapy in Mental Health, 33(2), 129‑140.

Mannion, A., & Leader, G. (2013). Comorbidity in autism spectrum disorder : A literature review. Research in Autism Spectrum Disorders, 7(12), 1595‑1616. https://doi.org/10.1016/j.rasd.2013.09.006

Lien vers l'article de Mélanie Ouimet « Pourquoi les mouvements stéréotypés et répétitifs des autistes sont de petits gestes qu'il faut respecter » : cliquez ici 


Lien vers la vidéo de Mel Baggs « In my language » : cliquez ici